MODES DE PARTICIPATION DES JEUNES AU JEU POLITIQUE EN CÔTE D’IVOIRE : L’ EXEMPLE DES ESPACES DE RUE

MODES DE PARTICIPATION DES JEUNES AU JEU POLITIQUE EN CÔTE D’IVOIRE : L’ EXEMPLE DES ESPACES DE RUE

Depuis quelques années, on assiste en Côte d’Ivoire, à une très forte implication des jeunes dans le champ politique par le biais des espaces de discussions de rue. Ils semblent fonctionner en marge du champ politique institutionnalisé, mais leur interconnexion aux politiques, fait d’eux des acteurs clés.

Les espaces de discussions de rue sont des espaces alternatifs qui permettent aux jeunes de pénétrer dans un champ qui, jusqu’à la fin des années 90 leur était plus ou moins fermé. Ils participent à la «fabrication» de nouvelles figures politiques. Cette nouvelle génération d’acteurs fait quotidiennement usage des NouvellesTechnologies de l’Information et de la Communication (NTIC) pour diffuser les idéologies politiques et organiser les actions collectives.

La création et la duplication de ces nouvelles arènes politiques depuis l’éclatement de la crise politico-militaire de septembre 2002, traduit le besoin des jeunes de participer aux débats de la cité, d’exprimer leurs craintes, leurs attentes et leurs espoirs. Mais les espaces de discussion de rue sont aussi des lieux de résistance où s’affrontent des jeunes gens en quête de nouvelles identités politiques ou de positions sociales.

En Côte d’ivoire, les débuts de la décennie 1990 sont marqués par de vastes mouvements de contestations. Dans ce contexte, les abidjanais sont réveillés, un matin d’avril 1990, par une horde de jeunes huant le «père de la nation» avec des «Houphouët voleur! Houphouët voleur!». Cette même année, le Zouglou s’impose comme une musique de contestation et de revendication de la jeunesse scolaire et estudiantine. L’on lie ce bouillonnement du corps social à la crise économique et à la libéralisation du marché politique. Mais l’irruption des jeunes dans l’espace public et notamment dans le champ politique s’intensifie et prend plus d’importance au début de la décennie 2000.

Pendant lacrise politico-militaire de 2002, les factions rebelles regroupées au sein du Mouvement Patriotique de Côte d’Ivoire (MPCI) et l’alliance des jeunes patriotes, proche du camp présidentiel, sont dirigées respectivement par Guillaume Soro et Charles Blé Goudé, tous deux anciens Secrétaires Généraux de la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire(FESCI).

Outre ces leaders politiques, d’autres jeunes acteurs se signalent dans le domaine dela musique. En 2003, Douk Saga et ses amis lancent le coupé-décalé. Cette nouvelle mode musicale urbaine suscite une adhésion massive de la jeunesse. Dans une atmosphère de tensions sociales liées à la crise, cette musique aurait, aux yeux de ses initiateurs, égayé les ivoiriens.

Tous ces faits sont révélateurs de la montée en puissance des jeunes dans l’animation de l’espace public ivoirien et de la vie politique nationale. Mais qui sont-ils? Où les retrouve-t-on? Comment construisent-ils leur participation au jeu politique? Quelle est la nature de cette participation?

ESPACES DE DISCUSSIONS DE RUE ( EDR )

Les EDR sont des lieux où se rencontrent des jeunes pour débattre de l’évolution de l’actualité politique. Ces débats se tiennent le plus souvent, aux abords des voies publiques avec des acteurs dont les actions influent sur le jeu sociopolitique national. Dans ces espaces codifiés comme lieux d’expression et de formation d’opinions, ces acteurs sociaux lisent les évènements dans le prisme de convictions qui se veulent, a priori, contradictoires. Ils peuvent être classés en deux grandes catégories : Les «Agoras» et «Parlements» se déclinent sous la forme de meetings politiques animés par des orateurs qui rassemblent autour d’eux des centaines voire des milliers de personnes. Quant aux «Grins», ils se présentent sous forme de regroupements (discrets et de moindre importance au niveau numérique) de personnes autour d’un thé accompagné le plus souvent par de la viande braisée (choukouya) et/ou de l’arachide.

En tant que forums d’échanges sur les affaires publiques, ils regroupent des personnes qui sont, pour la plupart, issues des couches sociales les plus exposées à la crise économique qui mine la Côte d’Ivoire depuis plus de deux décennies. Les EDR sont l’expression du partage, par les couches sociales défavorisées, d’un idéal de participation populaire à la démocratisation de la société.

Mamadou Ben

SoonniNews, le journal panafricain de l’intelligence économique et politique africaine🌍

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