Au lendemain du déclenchement de la crise politique en Côte d’Ivoire, qui a débuté le 19 septembre 2002, les économistes en charge de l’Afrique de l’Ouest francophone n’ont pas manqué de s’inquiéter au sujet des effets induits de cette crise sur l’économie sous-régionale, du fait du poids économique de la Côte d’Ivoire au sein de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest.
LES CONSÉQUENCES SUR LES PAYS SAHÉLIENS ENCLAVÉS
Les pays sahéliens continentaux comme le Niger, le Burkina et le Mali sont les plus affectés par les événements ivoiriens, au niveau tant économique que social. Les importations de ces pays dépendaient en effet à 75 % du port d’Abidjan. Les populations rapatriées de Côte d’Ivoire, ayant souvent tout perdu dans leur exode, souffrent aussi particulièrement de cette crise. Les Etats sahéliens francophones gèrent difficilement cet afflux de réfugiés. Leurs économies nationales ne sont pas non plus épargnées, avec pour conséquence une augmentation du prix de nombreux produits, mais surtout la perte de débouchés importants.
LES RÉPERCUSSIONS AU MALI
En attendant de trouver une solution définitive, le gouvernement et les opérateurs économiques du Mali, à travers la Chambre de commerce et d’industrie de Bamako, ont rapidement réagi en mettant en place un plan opérationnel relatif aux échanges commerciaux et aux mouvements des populations victimes de la guerre. Ce plan repose essentiellement sur : un accès à de nouveaux ports pour l’importation et l’exportation de produits. Ceux d’Accra (au Ghana anglophone), de Lomé (au Togo), de Cotonou (au Bénin), de Conakry (en Guinée) et de Dakar (au Sénégal) sont de plus en plus sollicités pour recevoir les produits à destination et en provenance du Mali. Ce changement d’itinéraire implique une augmentation des coûts de transport, car les pays par lesquels les marchandises transitent appliquent une convention relative au Transit routier inter-Etats (TRIE). Cette convention impose le prélèvement d’une garantie sur les opérations de transit au niveau du cordon douanier. Les formalités de douane et de police se multiplient et les distances sont plus longues que celle de l’axe Abidjan-Bamako. La superposition des prélèvements renchérit mécaniquement les coûts d’approche. C’est dans ce cadre que les opérateurs économiques et le gouvernement malien ont sensibilisé les responsables des Etats respectifs sur la nécessité d’une collaboration plus dynamique dans la gestion des transactions. Ainsi les capacités des entrepôts maliens ont augmenté de 20 à 30 % et leurs conditions d’exploitation ont été révisées : dans certains cas, les frais d’entreposage ont été réduits. Pour l’année 2002, la récolte de coton malien transitera presque exclusivement par le port autonome de Lomé. En décembre, au moins 20 000 balles avaient déjà été expédiées sur Lomé ;la recherche de solutions pour l’évacuation des marchandises stockées à Abidjan, où plus de 8 millions de tonnes de marchandises ont été bloquées. De nouveaux accords ont été signés pour leur transit à travers le Ghana puis le Burkina Faso. Le gouvernement malien, en accord avec ceux de la Côte d’Ivoire et du Ghana, a pu ainsi acheminer une bonne partie de ces marchandises. Cependant les plus volumineuses sont restées au port d’Abidjan, du fait de l’augmentation du prix du transport. En conséquence, les stocks de riz et de sucre ont dû être vendus à d’autres opérateurs économiques vers d’autres destinations ;
LES CONSÉQUENCES COMMERCIALES
LES CONSÉQUENCES SUR L’ÉCONOMIE DU BURKINA FADO
La crise ivoirienne provoque également des secousses importantes sur l’économie du Burkina Faso. L’impact de cette crise s’y est d’abord fait sentir sur le secteur du transport. En effet, avant la crise, le port d’Abidjan constituait le plus important point de transit des marchandises à destination du Burkina Faso. Comme il n’existe pas de substitution possible, il en est résulté une relative dépendance des opérateurs économiques burkinabè vis-à-vis du port d’Abidjan. La fermeture des frontières entre les deux pays est donc une contrainte majeure pour les opérateurs économiques burkinabè qui se sont orientés néanmoins, très rapidement vers d’autres pays côtiers comme le Ghana, le Togo et le Bénin. Cette situation a cependant occasionné une augmentation de leurs frais de transport. Outre l’augmentation des frais de transport donc du prix des marchandises, de la dégradation des routes et du parc automobile, la crise ivoirienne a eu des répercussions sur l’emploi au Burkina Faso. La crise pèse sérieusement sur l’économie de ces deux pays. Aucune solution négociée ne paraît en vue. Il est alors légitime de s’interroger sur les conséquences sociales qui pourraient découler de cette crise, à moyen et long terme.
LES EFFETS DE LA CRISE SUR L’ÉCONOMIE DU NIGER
Les événements de côte d’Ivoire sont également préjudiciables à l’économie du Niger dont les principaux secteurs ne sont pas épargnés, bien que ce pays soit situé à l’est de la côte d’Ivoire. L’importance des relations commerciales entre les deux pays ne se situe pas au niveau du transit portuaire, mais principalement dans les échanges directs de produits manufacturés Ivoiriens et de produits issus du secteur primaire nigérien. Tout dysfonctionnement dans le tissu industriel ivoirien a donc des répercussions directes sur les importations nigériennes, il convient de souligner ici que la côte d’Ivoire jouit au Niger d’une exclusivité relative sur certains produits. L’Economie secondaire, notamment les industries manufacturières n’est pas non plus épargnée par l’impact de la crise ivoirienne. La crise n’a pas que des effets économiques, elle entraîne également des effets sociaux difficilement évaluables.
La crise ivoirienne, par ses conséquences sur les économies du Mali, du Burkina Faso et du Niger, est aussi révélatrice de la fragilité intrinsèque des pays de la sous-région dans leur ensemble, en raison d’une interdépendance et d’une intégration économique particulièrement visible dans les États francophones regroupés au sein de L’UEMOA et solidaires sur le plan monétaire autour du franc CFA. Révélatrice, également d’une certaine imprévoyance des opérateurs économiques des pays francophones enclavés du Sahel qui, jusqu’à son début et en dépit de signes politiques annonciateurs, n’avaient jamais songé à rechercher une diversification de leurs sources d’approvisionnement. Mais la crise ivoirienne a aussi et surtout, révélé en même temps la capacité de réaction de ces opérateurs économiques à s’adapter très rapidement à de nouvelles situations et à trouver des solutions de substitution face à des difficultés.
Mamadou Ben
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