Dans certains pays, la pandémie de Covid-19 aura des effets durables et significatifs sur les niveaux de pauvreté si les politiques actuelles ne sont pas radicalement modifiées. L’ONU estime qu’elle fera basculer 16,5 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté au Nigeria d’ici 2030, et 2,3 millions au Burkina Faso.
L’Afrique de l’Ouest a connu une croissance économique impressionnante au cours des deux dernières décennies. Dans de nombreuses parties de la région, cela s’est accompagné d’une réduction significative de la pauvreté. Cependant, pour la plupart des pays, les bénéfices de cette croissance économique sans précédent n’ont profité qu’à une minorité, augmentant l’écart entre les plus riches et les plus pauvres. Aujourd’hui, les inégalités ont atteint des niveaux extrêmes dans la région. Alors qu’un petit nombre croissant de personnes est devenu incroyablement riche, une majorité de citoyens se voient refuser les éléments les plus essentiels d’une vie digne comme l’accès à une éducation de qualité, des soins de santé et des emplois décents.
En 2019, il a été révélé que les 1% des Africains de l’Ouest les plus riches possédaient plus que le reste de la population réunie. Pourtant, les gouvernements d’Afrique de l’Ouest étaient les moins engagés de tout le continent africain en matière de réduction des inégalités. Alors que cette indifférence serait une tragédie en temps normal, elle l’est encore plus pendant la pandémie de Covid-19, qui a aggravé l’ampleur des inégalités dans la région.
La pire crise économique depuis des décennies : la Covid-19 plonge des millions de personnes dans la pauvreté.Malgré des taux relativement faibles d’infections et de décès, l’Afrique de l’Ouest n’a pas été épargnée par les retombées économiques de la pandémie. L’impact immédiat a été considérable et généralisé, avec une perte de PIB estimée à 48,7 milliards de dollars et une perte d’heures de travail équivalant à 7 millions d’emplois en 2020. Une enquête menée dans huit pays a montré qu’en moyenne plus de 60% des citoyens ont déclaré avoir perdu des revenus ou du travail à cause de la Covid-19.La pandémie a révélé à quel point l’Afrique de l’Ouest était terriblement mal préparée, malgré son expérience antérieure d’Ebola. Lorsque la Covid-19 est apparue, la plupart des citoyens ouest-africains avaient un accès insuffisant aux soins de santé et ne bénéficiaient pas de la protection sociale et des droits du travail nécessaires pour faire face à la pandémie. En septembre 2021, moins de 4% étaient complètement vaccinés.Toutefois, si la majorité de la population a été touchée par les effets de la pandémie, l’expérience est assez différente pour les personnes les plus riches de la région, dont la fortune a considérablement augmenté.
LA CRISE EN CHIFFRES $6.4 MDS
Les trois hommes les plus riches d’Afrique de l’Ouest ont vu leur fortune augmenter de 6,4 milliards de dollars au cours des 17 premiers mois de la pandémie, une somme plus que suffisante pour vacciner tous les Ouest-Africains.Ces trois milliardaires pourraient faire sortir 18 millions de personnes de l’extrême pauvreté et rester aussi riches qu’avant la pandémie.
L’ONU estime que la pandémie de Covid-19 fera basculer 16,5 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté au Nigeria d’ici 2030, et 2,3 millions de personnes au Burkina Faso. Le Nigeria perd 2,9 milliards de dollars par an en raison des incitations fiscales accordées aux entreprises, alors que son budget de la santé est le troisième plus faible au monde (3,6% du budget global). 40 % de la population n’a pas accès aux services de santé.
En Sierra Leone, les grandes entreprises ont empoché 92% du financement gouvernemental de soutien à la pandémie, tandis que seulement 1,5 % a été consacré à la protection sociale. Seuls 1 % des enfants les plus pauvres terminent leurs études secondaires.
LA RÉGION D’AFRIQUE LA MOINS ENGAGÉE DANS LA RÉDUCTION DES INÉGALITÉS
L’indice d’engagement pour la réduction des inégalités d’Oxfam (IERI) mesure les politiques et actions gouvernementales dans trois domaines qui permettent de réduire de manière significative les inégalités : les services publics (éducation, santé et protection sociale), la fiscalité et les droits des travailleurs.En 2021, il montre que les gouvernements ouest-africains sont à nouveau les moins engagés dans la réduction des inégalités en Afrique. Les mesures essentielles de soutien sanitaire et socio-économique en réponse à la COVID-19 étaient temporaires et n’ont guère contribué à réduire les inégalités. Elles ont été remplacées par des mesures d’austérité tout en provoquant une forte augmentation de la dette.L’indice révèle que 14 des 16 pays de la région prévoient de réduire leurs budgets nationaux d’un montant total de 26,8 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années.Si ces gouvernements augmentaient équitablement leurs recettes fiscales de 1% au des cinq prochaines années, ils obtiendraient 56,89milliards de dollars. C’est plus qu’il n’en faut pour annuler les 26,8 milliards de coupes budgétaires prévues et pour construire 600 hôpitaux modernes.
Il est temps que les gouvernements ouest-africains agissent de manière décisive. Si ces pays ne parviennent pas à réduire sensiblement l’écart entre les plus riches et le reste de la population, l’éradication de l’extrême pauvreté ne restera qu’un rêve lointain.
Mamadou Ben
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