CÔTE D’IVOIRE : LA QUESTION DE LA RÉCONCILIATION NATIONALE.

CÔTE D’IVOIRE : LA QUESTION DE LA RÉCONCILIATION NATIONALE.

Depuis la situation post-crise, plusieurs personnes s’accordent à dire que la situation s’est améliorée rapidement. Notamment, l’insistance du chef de l’État sur une relance économique a suscité un appui massif des partenaires internationaux qui promettaient 8,6 milliards de dollars d’investissement en décembre 2012. En parallèle, ces partenaires persistent à demander une réconciliation nationale en profondeur.

En visite en Côte d’Ivoire en janvier 2013, la directrice du Fonds Monétaire International (FMI), Christine Lagarde, estimait que la réconciliation ivoirienne était un « préalable » à la relance économique. Et, pourtant, la réconciliation piétine, la paix relative demeure très fragile et les capitaux des institutions financières internationales affluent.

Malgré les déclarations d’intention des dirigeants ivoiriens, les obstacles politiques aux réformes et à la réconciliation sont nombreux, sinon en contradiction avec l’objectif avoué de réconciliation. Qu’en est-il de cette réconciliation ?

POSSIBILITÉS ET LIMITES DE LA RÉCONCILIATION IVOIRIENNE

La réconciliation ivoirienne n’est pas ici conçue comme une finalité où les Ivoiriens auront construit une « cohésion sociale » permanente, mais comme un processus politique et social. Par conséquent, cette réconciliation et ses contradictions reflètent nécessairement des luttes politiques complexes et variées à propos de la forme que devrait prendre la paix ivoirienne. Ces luttes renvoient à de multiples espaces de réconciliation qui possèdent des dynamiques propres, imbriquées dans des rapports de force locaux, nationaux et internationaux. Ces multiples espaces articulent tant les difficultés pratiques que conceptuelles de la réconciliation : qui doit être réconcilié avec qui en Côte d’Ivoire ? L’accent est mis sur la complexité, les jeux et les enjeux de la réconciliation ivoirienne. L’examen des possibilités et des limites de la réconciliation et de la paix durable en Côte d’Ivoire démontre que non seulement la consolidation de la paix piétine, mais que les jeux et enjeux politiques favorisent un certain gel de la situation.

RÉCONCILIATION ET CONSOLIDATION DE LA PAIX

D’abord, à court terme, il s’agissait d’évaluer la situation post-conflit en Côte d’Ivoire à l’aube 2013. Plus précisément, suite aux élections de 2010, à la guerre qui suivit et à l’intervention robuste des troupes onusiennes et françaises en avril 2011, il s’agissait d’analyser les efforts de réconciliation et de consolidation de la paix afin d’offrir un portrait des tensions et des problèmes pouvant empêcher, ou mener à une reprise des hostilités. Le second objectif consistait et consistera à long terme à poursuivre l’analyse des efforts internationaux d’imposer et de consolider la paix en Côte d’Ivoire.Les interactions entre les acteurs Ivoiriens et internationaux ne doivent pas être sous-estimées, car le conflit ivoirien s’est  » internationalisé  » dès l’intervention française en septembre 2002. Dès lors, et notamment lorsque les belligérants signaient les Accords de Pretoria en 2005 qui autorisaient l’ONU à superviser les élections, les acteurs Ivoiriens devaient et doivent toujours naviguer et composer avec les limites imposées par la présence Internationale.

En effet, à tort ou à raison, les missions de paix de la communauté internationale cherchent à imposer ou favoriser une solution privilégiée afin de consolider la paix dans une situation post-crise. Il faut construire l’unité de l’état, une armée, un retour à un régime de participation citoyenne, une économie de consommation et les premiers pas vers une réconciliation vraie. Il s’agit ni plus, ni moins, de changer les comportements, les identités et les contextes institutionnels. La présence Internationale n’est donc pas neutre, mais implique une version particulière de la paix qui favorise la sécurité, la stabilité et l’ordre au détriment d’objectifs émancipateurs. La réconciliation est donc liée à un processus de guérison individuelle et collective qui ne peut qu’être long, complexe et non linéaire. Bien qu’il n’existe pas de consensus de guérison, trois étapes successives s’offrent à la Côte d’Ivoire. D’abord, la sécurité des survivants est primordiale. Elle débute avec le contrôle et la protection de soi, de son corps, de son intégrité personnelle pour ensuite progressivement s’étendre à l’environnement social et politique. La seconde étape consiste à un exercice de mémoire et de deuil qui cherche à reconstruire la mémoire traumatique afin de l’intégrer à la vie quotidienne. Plutôt qu’une mémoire statique et sans mot, elle devient dynamique, facilitant ainsi une compréhension du conflit. En articulant les aspects contingents et ambiguës du conflit, les possibilités de transformation et de paix sont soulignées, les caricatures de l’ennemi déconstruites et la polarisation  » nous/eux  » affaiblie. La troisième étape est le retour à la vie normale où les survivants peuvent retisser des liens sociaux.

En Côte d’Ivoire, la réconciliation nationale représente un objectif téléologique selon un conseiller de la Commission  » Dialogue, vérité et réconciliation  » qui demande la sécurité, la stabilité d’abord et une cohésion sociale ensuite. Partant de ce principe, qu’en est-il des perspectives futures de la paix et la réconciliation dans un contexte où la paix a été imposée par une force internationale ?

Mamadou Ben

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