Sénégal : Nécessité de restructurer l’économie !

Sénégal : Nécessité de restructurer l’économie !

Des manifestations violentes ont secoué le Sénégal, en mars 2021, suite aux accusations de viol et menaces de mort répétées à l’encontre d’Ousmane Sonko. Ce dernier est arrivé troisième lors de la dernière élection présidentielle de février 2019. Le leader du Pastef – Les Patriotes est aujourd’hui le principal opposant politique du président Macky Sall. Tout ce qui concerne le député Ousmane Sonko nécessite une attention particulière car Macky Sall a déclaré vouloir « réduire l’opposition à sa plus simple expression ».

Toutefois, rien ne justifie les émeutes dans les rues du Sénégal ; des jeunes ont attaqué des magasins d’alimentation, des stations-service, ont détruit des équipements urbains et ont instauré un climat d’insécurité dans tout le pays.

Impact négatif de la Covid 19 sur l’économie

La conjoncture économique est surement la base de ce mécontentement populaire. Le couvre-feu réduit considérablement l’activité des populations où la majorité des gens exerce dans le secteur informel. Cependant, la flamme qui a attisé les évènements de mars 2021 est politique.

Depuis la première vague de la Covid 19, les populations étaient fatiguées du couvre-feu. Avec les effets négatifs qui ont eu la pandémie sur l’économie sénégalaise, une « économie ouverte » est que, la majeure partie de la production locale est exportée pour importer des produits manufacturés. Cette économie dépend beaucoup de l’extérieur.

Ainsi, l’affaire politico-judiciaire à l’encontre d’Ousmane Sonko est un prétexte pour les jeunes de montrer leur exaspération vis-à-vis du régime de Macky Sall. Un chômage chronique touche la majorité des jeunes. Ces derniers ne supportent plus les restrictions de liberté du couvre-feu. Dans son discours du 08 mars 2021 appelant au calme, Macky Sall a reconnu que l’emploi des jeunes était prioritaire sur les infrastructures. Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, Macky Sall a mis en place différents organismes pour régler le problème du chômage des jeunes. Néanmoins, toutes ces structures ont montré leurs limites devant la problématique de l’emploi des jeunes.

Conséquences de la Covid 19 sur l’économie

Les mesures prises en raison de la Covid-19 ont eu des conséquences économiques majeures. D’une part, la réduction des aides familiales ou sociales des émigrés à cause des difficultés économiques liées à la gestion de la crise sanitaire en Europe, a impacté l’économie sénégalaise. Les émigrés participent activement à la vie de l’économie sénégalaise au vu de leurs envois financiers au cours des dernières années. Les envois des émigrés étaient estimés à 1200 milliards de F.CFA soit près de 2 milliards d’euros par an.

En autre, l’économie sénégalaise repose largement sur le secteur informel. En effet, la fermeture des frontières a réduit les échanges de marchandises entre le Sénégal et les pays frontaliers. Ce qui a provoquer une réduction des revenus de nombreux transporteurs.

Le quotidien des Sénégalais

La crise sanitaire a répercuté sur le quotidien des Sénégalais. En raison des restrictions de couvre-feu, les personnes travaillant la nuit sont obligées d’abandonner leurs activités. Ils n’ont pas d’autres ressources pour compenser cette perte. Les activités nocturnes concernent davantage le secteur informel tel que le transport, le commerce et l’alimentation. Ces activités nocturnes font vivre des milliers de personnes. Par conséquent, l’État prive ces personnes de leurs revenus quotidiens et aucun dispositif n’est mis en place pour accompagner les personnes impactées par ces décisions.

Une économie dépendante de l’extérieur

La crise de mars 2021 a montré la « vulnérabilité de l’économie sénégalaise » qui est dépendante de l’extérieur. Cette situation constitue une menace pour la souveraineté nationale. Aujourd’hui, le plan de relance de l’économie sénégalaise a deux objectifs : asseoir la souveraineté alimentaire et assurer la souveraineté sanitaire. Pourtant, cela fait plusieurs décennies que ces slogans sont tenus par les autorités sénégalaises et les objectifs ne sont toujours pas atteints.

Réorganiser l’économie

Une nouvelle organisation devra être définie pour booster l’économie sénégalaise. La région dakaroise représente 0.3% du territoire national mais le paradoxe est qu’elle concentre 85% de l’activité économique et logistique du pays. Maintenant, les gouvernants doivent penser à valoriser des territoires en créant de nouveaux pôles de développement. L’agriculture sénégalaise doit être davantage valorisée. La transformation des produits permettra de créer des emplois. L’État devra définir de bonnes politiques industrielles afin de relever le niveau de développement.

Implication de tous les acteurs

Il est impératif d’intégrer toutes les couches de la société pour remodeler l’économie sénégalaise. Le pays doit revoir sa politique d’importation en mettant en œuvre les moyens d’atteindre une autosuffisance alimentaire. C’est le seul moyen de construire une économie nationale inclusive en tenant compte du développement de la chaîne de valeur. Cela doit se traduire par une consommation des produits locaux. Ainsi, le déficit commercial sera comblé au fil des années.

Améliorer les économies africaines

Aujourd’hui, il est primordial d’améliorer la concentration interne des économies africaines en production et d’échange. Le commerce entre les pays africains est inférieur à 15%, ce qui est différent des pays des autres continents. L’Afrique doit cesser d’exporter ses matières premières pour entamer la transition vers l’industrialisation. Si tel n’est pas le cas, la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) ne profitera qu’aux produits des autres pays du monde. Les pays africains se doivent d’échanger des produits manufacturés entre eux. Cela engendrera de véritables liens entre les nations. Les routes, les voies ferrées et les réseaux maritimes et fluviaux devront faire l’objet d’investissements importants. Si les pays africains ne collaborent pas, il sera difficile de faire tous ces investissements et d’atteindre les objectifs.

Diabel SOW, géographe, analyste géopolitique en territoires et enjeux de pouvoir

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